Hoka Hey ! Neyef


Couverture de l'album
    Ce qui frappe d’emblée dans cet album, c’est la beauté des vastes paysages, montagnes, forêts et plaines américaines traversées par deux hommes et une femme accompagnés d’un enfant. La sérénité, l'apparence immuable de ces larges espaces contraste avec la fureur qui porte les compagnons de voyage, et principalement leur chef, mû par le désir de vengeance. Little Knife, indien Lakota par sa mère, est sur les traces de son père, un « wasichu », un blanc, qui n’a jamais eu le courage d’épouser la jeune indienne. Par sa faute, elle a vécu une vie misérable dans une cabane délabrée au fond des bois, mutilée par son amoureux pour éviter qu’elle ne révèle leur relation à sa famille, abusée par un pasteur ami du père, jusqu’à ce que son fils la retrouve pendue. Depuis, son fils traque le père indigne qui lui a volé sa mère, traversant l’ouest américain, accompagné d’un irlandais devenu son meilleur ami et d’une indienne, No Moon. L’histoire américaine est violente, cet album la retrace dans toute sa crudité. La violence des préjugés des blancs venus s’approprier les terres indiennes fait écho à celle de certaines coutumes indiennes, abusivement interprétées par quelques hommes : No Moon a quitté sa tribu après avoir été mutilée par son compagnon qui n’avait pas supporté son infidélité. Elle a dû pour cela abandonner son fils, qui la regardait avec horreur. Il y a pourtant des ferments de paix dans les deux cultures, la religion catholique quand elle apprend aux enfants que la violence engendre la violence et que le meilleur moyen d’être en paix, c’est le pardon, la spiritualité indienne quand elle considère que l’homme n’est qu’une partie d’un tout et qu’il devrait remercier la nature de lui permettre d’exister au sein du monde. « Cette terre aurait pu être bien assez grande pour deux peuples ».
    Chacune et chacun a ses propres motivations, plus ou moins avouables, que l’enfant découvre avec le lecteur au fil du récit, mais on ne peut s’empêcher de pencher du côté Lakota. Ce récit démontre que l’homme, quelle que soit son origine, porte la noirceur au fond de lui. Mais la civilisation dans laquelle vivaient les indiens reposait sur un modèle soutenable, alors que la société des blancs partait du postulat que l’homme, au centre du monde, était destiné à tirer profit de la nature.
« Pacifier tellement fort que l’ennemi n’a plus la force de se relever, c’est ça l’idée ? Plus une question d’ordre que de paix, si tu me demande mon avis, hm ?
- Peu importe la couleur des bottes tant qu’on avance, non ?
- Je suppose, oui. En tous cas, c’est une nuance sans importance si on est du bon côté de la barrière. »

    Un album visuellement très riche, et de nature à susciter la réflexion, à proposer en lycées et LP.


Références :
Hoka Hey ! Neyef. Rue de Sèvres, Label 619 , 2022. 978-2-81020-229-4. 22,90 €.